lettre de Louis Renault à Jules Breton, sous-secrétaire d’Etat à la Guerre

Louis Renault voit les commandes de son char FT décoller au premier trimestre 1917 et s’engage à en livrer 2 000 entre juillet et novembre 1917. Cela implique une production de 400 chars par mois et un besoin impérieux en matières premières. Il expose donc son besoin à Jules Breton, dans la lettre qui est retranscrite ci-dessous, faisant état d’un véritable plan d’industrialisation inspiré des usines Ford.

Comment réussir à produire autant de chars FT ?

« II faut que les matières premières parviennent aux usines dans des délais convenables et, de plus, que l’usine puisse obtenir de l’extérieur les concours suivants : les engrenages des réducteurs de vitesse devront venir de l’extérieur forgés et ébauchés de tours, l’usine devra également recevoir de l’extérieur des vilebrequins forgés. Les aciéries Paul Girod à Ugine devront fournir les coupoles (NDA : les tourelles) dans les délais convenables ; la maison Holtzer devra fournir les aciers des engrenages et même fournir une grande partie des engrenages forgés et estampés. Les tôles de blindage devront être fournies perforées et découpées au gabarit et traitées. Les aciéries Paul Girod pourront peut-être se charger des tôles de 6 et de 8. Il resterait à chercher le fournisseur pour la tôle de 16 (NDA : ce sera la société Fichet, spécialisée dans les coffres-forts). Enfin, il faudrait mettre à la disposition de la maison Renault 150 tourneurs, 50 raboteurs ou fraiseurs, 100 ajusteurs. »

Production de chars Renault FT

Production de chars Renault FT à Lyon, dans les usines Berliet, 1917

Crédits : Fondation M. Berliet

Des difficultés pour produire aussi vite tant de chars FT

Mais le manque de matières premières ne permettra pas aux sous-traitants de livrer en temps et en heure, et il faudra se retourner vers la Grande-Bretagne pour obtenir au compte-gouttes et au prix fort, les aciers à blindage nécessaires pas toujours de bonne qualité (mauvaise cémentation, 40 % de rebuts). L’absence d’acier est telle que la grande poulie de renvoi, située à l’avant du char, est réalisée en bois ! 

Le manque de main-d’oeuvre fera qu’en 1918, on pensera faire appel aux prisonniers de guerre volontaires pour lancer la construction de 300 chars lourds de 70 tonnes

Pourtant, malgré toutes les difficultés rencontrées, Renault va réussir à livrer à partir de mars 1918 près de 200 chars légers par mois dont 278 en juillet.

Berliet et Somua participent aussi à la production de FT

Chart FT pendant la première guerre mondiale

Chart FT pendant la première guerre mondiale

Ce mois-là, le ministère de l’Armement porte à 4 700 exemplaires le nombre de Renault FT en commande. Pour accélérer les fabrications, Louis Renault est invité dès avril 1917 à rechercher d’autres constructeurs français et américains pour produire sous licence son FT. Les entreprises françaises Berliet (NDA : Berliet produisait ses propres blindages, usinait ses tourelles et montait ses propres moteurs également vendus à SOMUA et Delaunay-Belleville), SOMUA et Delaunay-Belleville se lanceront ainsi dans la production en série du char léger pour 3 880 exemplaires, en plus des 3 940 commandés à Renault, soit au total 7 820 FT.

Source : Extrait du livre de Stéphane Ferrard, journaliste de défense disparu en 2015, Technologie et Armement, paru en juin 2004. Repris par Marc Chassillan dans le Livre Histoire d’ARQUUS.